Le jour d’après
Nous sommes en guerre.
Au front, l’armée en blouse blanche combat l’ennemi au corps à corps. Elle monte en première ligne nuit et jour, avec ses maigres munitions : des gants, quelques masques, et trop peu d’appareils respiratoires. En seconde ligne, les pompiers, les collecteurs de déchets, les équipes de nettoyage, les pharmaciens, les gardes d’enfants, les enseignants à distance… et derrière, le peuple engagé dans une grande immobilisation nationale pour freiner la propagation du virus. En restant chez lui, il est seul à pouvoir bloquer l’ennemi, il est le premier à pouvoir sauver des vies. Drôles de héros sur canapé…
Les jours que nous vivons resteront dans nos mémoires comme ceux de l’effondrement de nos systèmes mondialisés, du retour des États, et du grand basculement de nos vies ordinaires. Ils seront aussi ceux de la prise de conscience de nos fragilités et du caractère dérisoire de nos vieux combats.
Ces jours dureront des semaines, peut-être des mois.
Ils seront une terrible parenthèse qui comptera les morts. Une parenthèse qui mettra nos activités en suspens, qui abîmera nos entreprises, qui changera nos règles, qui transformera nos vies.
Cette parenthèse s’impose à nous tous. Devons-nous pour autant la subir ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Car au delà de la crise sanitaire elle-même qui frappe la planète, l’enjeu c’est le jour d’après. Comment sera le monde dans trois mois ? Que restera-t-il de nos organisations ? Où en seront nos vieux systèmes ? Quels modèles émergeront ? Serons-nous plus faibles, plus forts ?
Une chose est sûre : le jour d’après se prépare aujourd’hui, dans le confinement de nos vies, à l’écart des bruits que nous abandonnons. Il se prépare à l’échelle de chacun de nous, à condition de ne pas l’attendre vautré dans son lit en mangeant des chips.
Nul ne sait aujourd’hui à quoi ressemblera le jour d’après.
Mais on se doute bien qu’il sera différent. Très différent même. Il le sera d’autant plus que l’humanité sortira tout juste d’une incroyable expérience collective et individuelle. Une expérience de confinement qui l’aura changée en profondeur.
Car jamais une telle rupture des modes de vie n’avait jusqu’alors eu lieu sur terre en temps de paix. Une troublante rupture qui enjoint chacun de nous à nous recentrer sur nous-même, à cesser les embrassades, à créer des distances au nom de l’unité humaine, à s’isoler et prendre enfin le temps…
Les trois mois qui sont devant nous seront utiles si nous ne les subissons pas. Comment en faire alors un temps de renforcement qui nous armera pour le jour d’après ?
Personnellement je n’en sais rien. Mais dès lors que nous sommes écartés du tumulte des échanges et du rythme de la vie des autres, pourquoi ne pas jouir pleinement de ce qui compte vraiment pour nous ? Revenir à l’essentiel ici et maintenant, se re-muscler spirituellement, physiquement et mentalement. Se rappeler que les personnes les plus importantes sont celles qui nous entourent, nos parents, nos enfants, nos amis. Leur témoigner chaque jour notre affection. Prendre conscience que les vieilles divisions sont insignifiantes, que le virus ne connaît pas les frontières, encore moins les couleurs.
Prendre aussi le temps de faire du sport, de lire, de s’informer, de dialoguer, de méditer, de peindre ou d’écrire, d’aimer… Bref prendre le temps de se régénérer en profondeur, pour rentrer plus fort, bientôt, dans le jour d’après.