Covid-19 : Qu’attendent les consommateurs ?
Cela fait maintenant un peu plus d’un mois que nous sommes confinés. Bien au-delà des changements d’habitudes liées au fait de rester chez soi, la crise que nous traversons transforme considérablement les attentes des consommateurs.
Le planning stratégique des différentes agences d’Havas Publidom a épluché les premières études consommateurs et tente de vous donner ici une photographie de leurs attentes.
Le confinement pèse sur le moral
Si une grande part des Français (46%) assure que leur moral n’a pas changé depuis le début de la crise, la proportion des consommateurs qui déclare se sentir “moins bien” (40%) est bien supérieure à ceux qui disent se sentir “mieux” (13%). Un sentiment général qui se traduit dans le détail par des problèmes de sommeil (chez 43% d’entre eux), un sentiment d’abattement (pour 28%) voir de perte d’estime de soi (21%)
Gageons que ces chiffres nationaux sont (peut-être) un peu moins importants pour la Martinique : le confinement est quand même un peu moins désagréable ici que dans un appartement de région Lyonnaise.
Un regard critique mais lucide sur la pub
Les consommateurs rejettent en très grande majorité les comportements d’opportunisme des marques. Pour 74% d’entre-eux, la pub ne devrait pas exploiter la situation liée au coronavirus pour promouvoir les marques.
Ils attendent en fait une forme de continuité dans le discours des marques :
- Seuls 9% pensent que ce discours doit changer, et seuls 8% pensent qu’elles devraient s’arrêter de communiquer.
- Les marques doivent donc continuer à entretenir le lien précieux qu’elles ont avec leurs publics. Le contexte n’est bien entendu pas neutre et des adaptations sont nécessaires. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille transformer les marques et leurs publicités du tout au tout.
Les Martiniquais souhaitent toujours consommer, et adaptent leurs habitudes
La consommation diminue forcément : nous ne pouvons plus aller au cinéma, ou au restaurant. Mais les Martiniquais continuent à avoir des envies et des besoins. Par exemple, le Covid n’aura pas eu raison de notre envie de fêter Pâques : les requêtes Google sur le traditionnel Matoutou cette année restent équivalentes à celles de Pâques dernier.
Et pour satisfaire leurs besoins de consommation, les Martiniquais adaptent leurs comportements et se tournent logiquement vers les solutions de livraison et de drive. Ces solutions, encore peu développées sur notre île il y a quelques semaines, se multiplient en accord avec un besoin désormais criant.
Quelles adaptations dans les prises de parole des marques ?
Si les Français n’attendent pas de changement de discours, ils attendent évidemment une adaptation dans l’attitude des marques. Tour d’horizon des attitudes plébiscitées dans les différentes études.
Gare à l’opportunisme :
Le “Corona washing” comme on commence à l’appeler était prévisible. Certaines marques ont suivi l’adage selon lequel chaque crise présente autant de risques que d’opportunités. Sauf que le moment est grave, et les susceptibilités sont logiquement exacerbées.
Les internautes confinés chez eux n’ont jamais eu autant de temps, et ils surveillent de près les marques qui tenteraient de tirer la couverture.
Aider à adopter les bons comportements :
Inciter les gens à rester chez eux, à pratiquer les fameux “gestes barrière”, c’est participer à l’effort collectif. De nombreuses marques ont fait le choix du divertissement : divertir ses publics c’est déjà les inciter à rester chez eux, en rendant leur confinement moins désagréable. Et ce besoin est réel. Les visites sur les sites de contenus culturels ou de divertissements ont explosé !
On ne cite plus les exemples de Canal+ ou Orange qui ont massivement ouvert leurs contenus de divertissement dès le début du confinement. Mais les marques qui ne sont pas a priori des marques de divertissement s’y mettent également : Somarec propose un concours de dessins pour que les enfants puissent interpréter son fameux Manicou.
Apporter son soutien :
Tout le monde est touché plus ou moins directement par la crise. Et les marques qui montrent un soutien tangible marquent de véritables points. En proposant sa flotte de véhicules de location au personnel soignant, GBH (à travers ses filiales Jumbo Car et Europcar) montre son engagement. De la même manière, quand Chanel ou Hermès annoncent refuser les aides de l’état et maintenir les salaires de leurs employés, ils soutiennent directement de nombreuses entreprises, plus vulnérables, sur lesquelles l’aide publique pourra mieux se concentrer.
Le retour de l’humour :
L’humour est une arme efficace, que les publicitaires adorent employer. Devant la gravité du moment, on aurait pu comprendre une certaine frilosité de la part des annonceurs. Les marques qui s’y sont essayées ont été plébiscitées sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte morose de confinement, avec les nouvelles toujours plus déprimantes, les marques ont une véritable occasion d’apporter un peu de sourire.
Compenser la distanciation sociale par un nouveau lien social :
Vous utilisez Zoom, Meet, Teams, Skype, FaceTime beaucoup plus qu’avant ? Vous multipliez les téléconférences, les “confs”, et même les télé-apéros ? Vous n’êtes pas seuls : l’humain est un animal social. Echanger avec ses semblables et ses proches est un besoin essentiel. La distanciation sociale est contre nature, et nous cherchons par tous les moyens à compenser cette baisse des interactions.
En témoignent les tendances de requêtes Google en Martinique : les solutions de continuité numériques bondissent au début de la crise.
Et les marques sont également là pour compenser ce manque : La RATP propose aux internautes d’écrire un message de soutien pour les “héros du quotidien” (personnels soignants, mais aussi agents RATP) pour les diffuser sur tous les écrans des réseaux métro & RER. Loin d’être anodine, cette initiative permet de recréer du lien, alors même que nous ne pouvons plus nous croiser.
De la même manière, afin que les Français puissent garder le lien avec leurs ainés, qui n’ont pas toujours d’ordinateur ou de smartphone, Orange leur a proposé de diffuser à la TV (pendant la coupure pub) des messages vidéos. Une démarche de générosité qui permet à la marque de remplir son rôle de nous “rapprocher de l’essentiel”.
Contribuer à l’économie de guerre :
Les exemples sont nombreux, des distilleries Martiniquaise qui produisent du Gel hydroalcoolique à PSA qui fabrique des respirateurs, de Karaib 3D qui fournit des visières de protection à la SNCF qui met en place des convois sanitaires, les marques apportent chacune leur pierre.
Préparer le jour d’après
Les comportements des consommateurs évoluent face aux mesures de confinement. Mais ces évolutions pourraient bien être plus profondes et changer durablement les attentes vis à vis des marques.
Les français sont conscients que le jour d’après ne sera pas un retour à la situation d’avant : 68% d’entre eux souhaitent une transformation de la société (dont les deux tiers, un changement “radical”)
Un rapport à la consommation qui évolue profondément
Sur les réseaux sociaux, on assiste à une véritable prise de conscience depuis le début du confinement. Cette pause contrainte dans la consommation est l’occasion d’une prise de recul. Certaines dépenses, autrefois vues comme quasi essentielles, sont maintenant vues comme futiles. On observe depuis plusieurs années une lame de fond vers une consommation plus raisonnée, plus locale, plus durable, un retour à l’essentiel. Cette crise accélère et amplifie ce mouvement : nous nous rendons bien compte des économies que nous faisons, simplement en restant chez nous, et en nous privant finalement relativement peu.
Les attentes des consommateurs vis à vis des marques en la matière ne datent pas d’hier. Mais ce qui était vrai hier est crucial aujourd’hui. À l’heure où le bien commun est une réalité tangible, le rôle sociétal des marques est plus important que jamais.
Une conscience sociale exacerbée
Cette crise redonne un rôle central aux Etats : les dépenses publiques pour soutenir les populations pendant cette période sont faramineuses, et pourtant essentielles. On se rend également compte que “le modèle social à la Française” reste une bonne arme pour lutter contre ce type de menace : soins gratuits et accessibles, infrastructures sanitaires performantes permettent en effet de limiter la casse.
Par ailleurs, les mesures de confinement mettent en lumière les différences sociales de façon criante : un cadre supérieur confiné dans sa résidence secondaire en Normandie n’a pas la même expérience du confinement qu’une mère de 3 enfants confinée dans un petit appartement en région parisienne. De la même manière, un publicitaire qui peut télétravailler sans (trop) de difficulté n’a pas le même sort qu’un vigile en supermarché. L’un se protège, l’autre s’expose. Là encore, nous ne parlons pas d’inégalités nouvelles : elles datent, mais elles sont mises à jour de façon criante depuis le début de cette crise.
Les marques doivent réellement intégrer cette dimension, tant dans leurs communication que leurs actions. En préservant la sécurité de ses salariés, en corrigeant, là où c’est possible (et légitime) les inégalités, les marques peuvent (et doivent) jouer leur rôle social.
(Merci Jean-Philippe pour cette contribution)